Devenir orateur avec… Martin Luther King
Cet article est paru sur LinkedIn, le 7 février 2019.
Pour trouver son style oratoire, celui avec lequel vous êtes le plus à l’aise, et prendre du plaisir dans vos prises de parole, je crois beaucoup à l’observation des plus grands orateurs et oratrices. A travers leurs discours, ils nous transmettent de nombreuses leçons et aident ainsi à progresser rapidement.
Dire que Martin Luther King a marqué l’Histoire par son combat pour l’égalité est un euphémisme. Pasteur engagé et infatigable orateur, durant toute sa vie, il a parcouru les Etats-Unis pour prendre la parole plusieurs fois par semaine. Certains de ses discours sont des chefs d’œuvre et resteront au panthéon de l’art oratoire. Le plus mythique d’entre eux reste sans conteste « I Have a Dream », prononcé le 28 août 1963 à Washington D.C. lors d’une grande Marche pour l’emploi et la liberté.
Martin Luther King c’est aussi un destin tragique avec son assassinat à Memphis en 1968. Le soir-même, il prononça d’ailleurs un discours prophétique – « I’ve been to the Mountaintop » (« J’ai été au sommet de la montagne ») – où il affirme que la lutte pour l’égalité raciale dépasse sa simple personne et devra continuer de nombreuses années encore. A travers ses prises de parole de engagées, je retiens 5 leçons de Martin Luther King.
Etre optimiste et donner espoir pour changer le cours des choses
Qu’importe les obstacles et difficultés d’un combat, un leader ne doit jamais baisser les bras, ne jamais céder au désespoir. C’est la responsabilité d’un grand orateur. Des études scientifiques ont d’ailleurs montré que les grands leaders s’attachent à inspirer leur public en insistant sur leur vision du futur plutôt que sur les défis, actuels et à venir. Rappelez-vous de cette phrase magnifique tirée de son discours I Have a Dream :
« Je vous le dis ici et maintenant, mes amis : même si nous devons affronter des difficultés aujourd'hui et demain, je fais pourtant un rêve. C'est un rêve profondément ancré dans le rêve américain. Je rêve que, un jour, notre pays se lèvera et vivra pleinement la véritable réalité de son credo : "Nous tenons ces vérités pour évidentes par elles-mêmes que tous les hommes sont créés égaux. »
Mieux encore, pour inciter une audience à passer à l’action, il est nécessaire d’employer un langage mélioratif et positif. Martin Luther King utilisait ainsi dans toutes ses prises de parole des mots comme opportunité, victoire, justice ou paix.
Leçon n°1 de Martin Luther King : Pour encourager vos interlocuteurs à changer le cours des choses, présentez une vision inspirante avec des mots qui véhiculent votre optimisme.
Utiliser la puissance des images
Vous connaissez certainement le célèbre adage : « Une image vaut mille mots ». Pour convaincre et toucher ses publics, Martin Luther King savait qu’il devait être concret. En mobilisant des images de la vie quotidienne, il créait ainsi un lien fort avec ses interlocuteurs et était capable de comprendre leurs préoccupations et de se mettre à leur place.
Au début du discours I Have a Dream, il évoque l’image - grâce à une métaphore filée - du chèque bancaire que les Noirs américains sont venus demander à l’Etat, chèque sur lequel figure le droit inaliénable à la vie, à la liberté et à la poursuite du bonheur. Dans sa dernière prise de parole il affirme également :
« I would move on by Greece and take my mind to Mount Olympus. And I would see Plato, Aristotle, Socrates, Euripides and Aristophanes assembled around the Parthenon. And I would watch them around the Parthenon as they discussed the great and eternal issues of reality. But I wouldn't stop there. »
Ces images concrètes sont faciles à comprendre et ont donc un impact fort sur l’audience, notamment en facilitant la mémorisation.
Leçon n°2 de Martin Luther King : Pour marquer les esprits, il faut savoir être (très) concret. Pour cela, utilisez de nombreuses images grâce à des comparaisons et métaphores par exemple qui vont directement parler à vos audiences.
Répétez les propos importants
Martin Luther King maîtrisait parfaitement toutes les techniques de la prise de parole en public, et à ce titre, il utilisait très souvent l’anaphore qui consiste à répéter un ou plusieurs mots en début de phrase. Ces répétitions permettent tout simplement de marquer les esprits plus fortement car plus vous entendez un propos, plus vous le retenez.
C’est aussi un formidable moyen de donner du rythme à un propos, comme le ferait un refrain dans une chanson. Par exemple, il prononce 8 fois de suite « I Have a Dream » ou « Let freedom ring » à la fin de son mythique discours du 28 août 1963.
Leçon n°3 de Martin Luther King : Pensez à répéter le cœur de votre message pour que l’audience le retienne plus facilement et soit à même de le partager à son tour au plus grand nombre.
Savoir se détacher de ses notes
Martin Luther King préparait longuement ses prises de parole, souvent très tard dans la nuit précédente. La veille de I Have a Dream, pendant des heures, avec l’aide de ses fidèles amis, il écrit et réécrit des paragraphes entiers dans sa chambre d’hôtel. Les premières phrases rendent hommage au combat pour la liberté mené par Abraham Lincoln. Mais c’est seulement à quatre heures du matin que la version finale est enfin achevée…et aucune mention du passage « I have a dream » n’y figure !
Le jour J, grâce à la vidéo du discours, on voit très clairement Martin Luther King se détacher de ses notes après les avoir consultés pendant 10 minute. Toute la fin de son intervention sera une improvisation où il ne se concentre plus sur un effort de lecture mais sur le message qu’il souhaite faire passer !
Leçon n°4 de Martin Luther King : Il est crucial de préparer des notes avant de prendre la parole mais il faut aussi savoir s’en détacher pour entrer en contact direct avec votre audience et vous exprimer avec plus de conviction.
Toujours tenir compte du contexte
Cicéron, l’immense orateur et spécialiste de la rhétorique de la Rome antique, affirmait dans son ouvrage De Oratore que l’environnement dans lequel nous nous exprimons – notamment le lieu – est un élément crucial à prendre en compte pour réussir sa prise de parole. Martin Luther King prenait la parole dans des églises, sur des places publiques, dans des salles bondées ou sur des estrades officielles. A chaque fois, il prenait soin en introduction de rappeler le contexte dans lequel il s’exprime en faisant un clin d’œil au lieu, au moment ou aux personnes qui l’ont invité.
Pour I Have a Dream, c’est lors d’une journée dédiée à la lutte pour les droits civiques sur le parvis du Lincoln Memorial à Washington D.C que Martin Luther King s’exprime. Derrière lui trône ainsi une statue de l’ancien président des Etats-Unis, Abraham Lincoln, qui abolit l’esclavage en 1865 et qui prononça également un discours historique à Gettysburg. Il reprend alors les premiers mots de ce discours pour lui rendre hommage et s’inscrire dans la lignée de ce grand moment : "Five score years ago…".
Leçon n°5 de Martin Luther King : Ne préparez pas votre prise de parole sans tenir compte du contexte dans lequel vous allez vous exprimer. Le lieu, l’audience, les interventions potentielles d’autres orateurs, la durée… sont autant d’éléments à bien prendre en considération pour montrer que vous ne répétez pas exactement les mêmes propos partout où vous allez.
Pour aller plus loin
TED Talk : The Secret structure of great talks
Nancy Duarte analyse méthodiquement le discours I Have a Dream de Martin Luther King pour expliquer pourquoi il est resté dans l’histoire.
https://www.ted.com/talks/nancy_duarte_the_secret_structure_of_great_talks/transcript
Le film Selma d'Ava DuVerney