Faire de la politique autrement avec Alexandria Ocasio-Cortez

 

Avec plus de 3,5 millions d’abonnés sur Instagram, Alexandria Ocasio-Cortez dépoussière la communication politique. A 29 ans, la plus jeune élue au Congrès américain utilise le réseau social pour dialoguer avec ses followers et partager ses nouvelles responsabilités, en toute intimité et humilité.

Depuis plusieurs mois déjà, Alexandria Ocasio-Cortez, surnommée AOC, est le nouveau phénomène de la politique américaine. Ancienne serveuse à New York, elle doit son ascension à son engagement, son pouvoir de conviction et sa parfaite utilisation des réseaux sociaux comme Twitter et Instagram. Dans un récent article, Kéliane Martenon détaille les grandes leçons à tirer de ce nouvel usage en politique.

Car à l’opposé des propos outranciers d’un Donald Trump et loin d’une communication plus institutionnelle à la Barack Obama, elle montre que ces médias ne nous condamnent pas à un déchaînement de haine, une cacophonie de fake news ou un empire de superficialités. Au contraire, ils peuvent être une source formidable de dialogue, d’émancipation et d’accès aux idées, comme le rappelle d’ailleurs le sociologue Dominique Cardon dans ses écrits.

 
 

L’ère de la conversation

Rien ne prédestinait Alexandria Ocasio-Cortez à réaliser une carrière politique à l’échelle nationale. Membre de la société civile, son entrée au Congrès aurait pu altérer ses convictions et sa façon d’être.

Or, Twitter et Instagram sont devenus des plateformes de conversation voire même d’intelligence collective. Dans son dernier ouvrage, Le retour du Prince, Vincent Martigny souligne que la communication ne peut plus simplement être réalisée de façon top-down mais doit se nourrir de la voix du plus grand nombre.

Pas étonnant que seulement trois jours après avoir été élue au Congrès, AOC organise une session de questions / réponses sur Instagram avec la participation de plus de 600 000 personnes. Quand certains politiques affirment que le pouvoir éloigne des préoccupations quotidiennes des électeurs, AOC semble avoir trouvé la solution pour leur parler directement.

Elle a surtout compris qu’utiliser les réseaux sociaux va de pair avec l’acceptation de la contradiction et du débat. Lors de ses conversations, les critiques fusent, les attaques pleuvent et les contre-arguments déferlent. Mais, AOC répond en expliquant ses convictions, parfois avec humour, parfois avec fermeté. L’essentiel est qu’elle répond toujours. Instagram devient une agora démocratique à part entière.

 

L’authenticité

Et dans ce débat permanent, la jeune femme dispose d’une arme surpuissante : son authenticité. Dans ses vidéos, il n’est pas rare de la voir parler d’un sujet aussi crucial que la transition écologique tout en assemblant ses meubles IKEA et buvant du vin blanc.

Ce qui frappe est l’absence de mise en scène : l’image n’est pas bien cadrée, le son peut devenir hasardeux et la luminosité varier considérablement. AOC enregistre une vidéo comme chacun de ses followers pourrait le faire chez lui. Il ne s’agit pas de créer un concept qui permettrait de rentrer dans sa vie quotidienne mais de vivre cette vie avec elle.

Dès lors, la force d’empathie et d’authentification est énorme. Là où les publications d’un Ted Cruz ou Bernie Sanders sont aseptisées -  les photos prises « sur le fait » sont réalisées par des photographes professionnelles – celles d’AOC repose surtout sur les stories qui sont devenues l’activité principale du réseau social ou les stickers qui favorisent le re-partage des posts.

D’ailleurs, le choix d’Instagram plutôt que de Facebook, réseau social qu’elle a quitté il y a quelques semaines, souligne aussi la puissance des images, officielles comme banales, pour une jeune génération d’internautes.

À tous ceux qui pensent que le storytelling politique est mort, AOC démontre qu’il peut se déployer avec authenticité et chargé d’un contenu intellectuellement stimulant.

 

Une femme politique de son époque

 

Car en définitive, Alexandria Ocasio-Cortez est une femme politique de son époque qui sait s’adresser à ceux qui hériteront de notre monde, les millennials. Elle avait 8 ans quand Google a été créée. Elle avait 14 ans quand Facebook a été créée. Elle avait 16 ans quand Twitter a été créée. Elle avait 20 ans quand Instagram a été créée.

AOC a grandi avec les réseaux sociaux et qu’elle le veuille ou non, la politique n’a plus le choix, elle doit faire avec ces nouveaux médias. Certes, ces derniers accélèrent la communication politique et tendent à la simplifier comme le montre Donald Trump, twittos compulsif, mais AOC semble réaliser la prouesse de créer des espaces où une pensée complexe, structurée et argumentée peut se déployer.

Cette nouvelle forme de communication politique, directe, authentique et conversationnelle, est une rupture grandement sous-estimée aujourd’hui. Quand en 1962 Jackie Kennedy faisait visiter la Maison-Blanche à des millions d’américains lors d’une émission de télévision, aujourd’hui AOC publie des stories Instagram où elle lève le voile sur la mécanique complexe du Congrès.

Et c’est peut-être là l’essentiel, à travers cette volonté d’expliquer les dessous de ses nouvelles responsabilités repose un changement de paradigme fondamental. Alexandria Ocasio-Cortez décrypte et explique le fonctionnement du système démocratique américain pour qu’un jour, le maximum de personnes issu de la société civile puisse siéger au Congrès. Des idées à l’action, Instagram devient un moyen puissant d’engagement collectif.

 
 
Adrien Rivierre