Discours à la loupe : Les clés du succès selon Steve Jobs

 

Dans le monde entrepreneurial, Steve Jobs restera une figure incontournable. Durant toute sa carrière, le fondateur d'Apple était reconnu pour ses prises de parole, notamment ses célèbres « keynotes » lors desquelles il présentait les dernières innovations de la marque. En juin 2005, lui qui n'a pourtant jamais été diplômé du supérieur, se rend à la prestigieuse université de Stanford pour partager trois grandes leçons apprises au cours de sa vie et qui mènent au succès.

 
 

Pourquoi cette prise de parole est-elle historique ?

Quand j'accompagne des dirigeants et des entrepreneurs dans leurs interventions, plus de 90 % d'entre eux citent Steve Jobs comme un exemple à suivre et connaissent ce discours prononcé à l'université de Stanford. Au fil des années, son parcours a durablement inspiré toute une génération de leaders tant il est synonyme d'aventures incroyables. Il faut rappeler qu'au cours des années 1980, Steve Jobs avait été contraint de quitter Apple, avant de faire son retour à la tête de l'entreprise en 1997 (après avoir créé Pixar et NeXT !), année à partir de laquelle il va enchaîner les innovations : iMac (1998), iPod et iTunes (2001), Apple Store (2003), et plus tard l'iPhone (2007) et l'iPad (2010).

C'est à la lumière de son parcours personnel fait de succès et de mésaventures que l'orateur s'exprime devant la nouvelle promotion de jeunes diplômés. Sa femme confiera plus tard qu'il s'était levé avec des papillons dans le ventre, stressé à l'idée de révéler une part de soi et de partager les idées qui donnent sens à sa vie.

 

Les points forts du discours

Le premier élément frappant à l'écoute de ce discours est sa composition en trois petites histoires. L'utilisation du rythme ternaire est l'une des techniques que Steve Jobs utilisera tout au long de sa carrière. Elle consiste soit à décomposer ses prises de parole en 3 parties soit à répéter les éléments importants 3 fois. Le chiffre 3 comporte une dimension mélodique indéniable (pensons à la valse à 3 temps) et il est intimement lié à notre culture : la Trinité dans la religion (le Père, le Fils et le Saint-Esprit), la devise française « Liberté, égalité, fraternité », le découpage du temps (passé, présent, futur), notre vision de la vie (naissance, vie, mort), etc. C'est d'ailleurs le chiffre des grands orateurs comme le prouvent de nombreux exemples historiques comme ceux d'Abraham Lincoln (discours de Gettysburg, 19 novembre 1863), de Clemenceau (discours à la Chambre des députés, 8 mars 1918) ou encore de Danton (discours à la Convention nationale, 2 septembre 1792). Le résultat est ici un discours structuré de façon équilibrée et harmonieuse.

D'ailleurs, dans ma pratique professionnelle, je juge très souvent de la qualité d'une prise de parole à la qualité des transitions entre les différentes idées et parties. Celles-ci sont comme des ponts qui aident l'audience à suivre le propos avec aisance. Dans son intervention, Steve Jobs n'hésite pas à les mentionner très explicitement, tels des chapitres qui seraient annoncés dans une table des matières. Il annonce ainsi les moments clés en affirmant par exemple « Ma seconde histoire parle d'amour et de perte » ou encore « Ma troisième histoire parle de la mort ». Avec de telles transitions, l'audience ne peut pas être perdue !

Comme nous l'avons vu dans le discours réalisé par Emmanuel Faber , les récits concrets - composés de défis et d'obstacles à surmonter - permettent à l'audience de se mettre à la place de l'interlocuteur et de vivre ses aventures par procuration. Mais plus fondamentalement, l'objectif principal de cette prise de parole est de nous faire prendre conscience que, parce que la vie est très courte et peut s'arrêter du jour au lendemain, il est essentiel de faire un travail qui nous rende heureux. Steve Jobs affirme alors : « Votre temps est limité, alors ne le gâchez pas à vivre la vie de quelqu'un d'autre. » Et pour graver cette idée dans les mémoires, la conclusion se résume à un slogan, qui résonne comme un ultime conseil : « Stay hungry, stay foolish » (« Restez affamés. Restez dingues »).

 

Ce que nous pouvons en retenir

Durant l'Antiquité, les Grecs définissaient l'ethos comme l'image renvoyée par l'orateur lors de sa prise de parole. A chaque occasion de s'exprimer, ce dernier doit dès lors se demander la posture qu'il souhaite adopter pour créer un lien de confiance avec l'audience et renforcer sa crédibilité.

Dans ce discours, Steve Jobs prend du recul par rapport à son image de chef d'entreprise à succès pour parler à coeur ouvert. Aussi bien les exemples choisis que le ton adopté ou la précision donnée à la structuration du propos (qui prouve d'ailleurs que l'orateur a passé du temps à préparer ce moment) parviennent à tisser une relation quasiment intime avec ses interlocuteurs. C'est à mes yeux d'autant plus remarquable et saisissant que Steve Jobs n'avait pas la réputation d'être un leader toujours sympathique et bienveillant.

 

Que dit ce discours de notre époque ?

Depuis 2005, l'économie des nouvelles technologies a explosé et les start-up ne cessent d'innover dans tous les secteurs d'activité. Or, quand nous écoutons les pitchs de ces dernières, c'est-à-dire la présentation orale de leur projet et de leur vision, nous constatons l'immense influence qu'a eue Steve Jobs. Il est celui qui incarne ce savant mélange entre récits personnels inspirants (ce que les Anglo-saxons appellent le storytelling) et des performances entrepreneuriales.

Avec le recul des années, au-delà du message principal partagé et que nous avons détaillé précédemment, j'apprécie cette prise de parole surtout car elle affirme en creux quelque chose de fondamental : dans le monde des affaires, en particulier aux Etats-Unis, tout le monde peut réussir s'il s'en donne les moyens. C'est alors que les propos introductifs de Steve Jobs sur le fait qu'il n'a jamais obtenu de diplôme universitaire puis la démonstration de son travail acharné prennent une plus grande ampleur.

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Adrien Rivierre