Le 4e discours d’Emmanuel Macron à la loupe : exit rhétorique guerrière, bonjour bienveillance ?
LE FOND ET LA FORME
Pour la quatrième fois depuis le début de la crise sanitaire du Covid-19, Emmanuel Macron s’est exprimé face aux Français. Un mois après le début du confinement, et alors que la France lutte toujours contre l’épidémie, des réponses claires étaient attendues…
Toute la première partie de l’intervention, qui met en lumière les efforts difficiles actuellement consentis par les Français, relève de la captatio benevolentiae, technique oratoire dont l’objectif est de s’attirer l’attention bienveillante de l’audience. L’orateur sait qu’il doit répondre aux interrogations et lever des doutes. Il montre même que des incertitudes subsistent sur de nombreux sujets.
Ce n’est donc pas un hasard si le premier mot du discours est le pronom personnel “nous”. Emmanuel Macron souhaite s’exprimer à l’échelle de tous les Français. Il les met d’ailleurs en valeur avec deux accumulations successives : “Nos fonctionnaires et personnels de santé, médecins, infirmiers, aides-soignants, ambulanciers, secouristes, nos militaires, nos pompiers, nos pharmaciens ont donné dans cette première ligne toute leur énergie pour sauver des vies et soigner.”
Et “Dans la deuxième ligne, nos agriculteurs, nos enseignants, nos chauffeurs routiers, livreurs, électriciens, manutentionnaires, caissiers et caissières, nos éboueurs, personnels de sécurité et de nettoyage, nos fonctionnaires, nos journalistes, nos travailleurs sociaux, nos maires et élus locaux et j’en oublie tellement aidé par tant de Français qui se sont engagés.” Les mots révèlent ici leur puissance car être cité, c’est être visible, c’est-à-dire reconnu.
Acte de contrition
A l’exception de cette image des “lignes” de front, Emmanuel Macron a largement abandonné la rhétorique guerrière et laisse au placard les accents churchilliens (le célèbre « [Je n'ai à offrir que] Du sang, du labeur, des larmes et de la sueur »). Et pour cause, aucun chef de guerre ne soulignerait de façon aussi explicite et transparente les erreurs commises.
Le discours est ainsi émaillé de formules telles que “Le moment, soyons honnêtes, a révélé des failles, des insuffisances” ou encore, à l’aide d’une question rhétorique, “Alors, étions-nous préparés à cette crise ? A l’évidence, pas assez mais nous avons fait face en France comme partout ailleurs.”
Et, toujours pour essayer de se placer du côté de tous les Français, il emploie des locutions comme “en votre nom” et “nous réinventer – et moi le premier.” A partir de là, chacun décidera s’il s’agit là de l’expression d’une sincère humilité ou simplement une nécessité imposée par la gestion actuelle de la crise…
Répondre à l’attente n°1 des Français : connaître la fin du confinement
Emmanuel Macron savait que les millions de Français devant leur poste de télévision attendaient une seule chose : la date de la fin du confinement. Elle apparaît ainsi assez tôt, dans le premier tiers du discours. Et tel un refrain qui marque peu à peu les esprits, il répètera cette date 12 fois au total… c’est bien l’information la plus importante !
Exit la grandiloquence du précédent discours. Le président rentre cette fois beaucoup plus dans le concret de la vie des Français avec une volonté de clarifier de nombreux éléments. Et apporte des preuves tangibles : dates quant aux ré-ouvertures possibles des lieux publics, reprises ou non des cours pour les étudiants, chiffres concernant la production de masques et respirateurs… Comme dans un procès, toute idée sans preuve n’acquiert aucun poids de conviction.
C’est pourquoi l’orateur tente ici, plus que dans ses autres interventions, de les multiplier. Notons que la longueur des discours - jugée par beaucoup comme trop longue - reste très stable, un peu moins de 30 minutes.
Se mettre à la place des Français, entrer en empathie avec eux, voilà le leitmotiv de ce discours. Néanmoins, à certains moments, Emmanuel Macron reprend son costume présidentiel et s’engage personnellement comme avec ce message : “Je souhaite que les banques puissent décaler toutes les échéances beaucoup plus massivement qu’elles ne l’ont fait et les assurances doivent être au rendez-vous de cette mobilisation économique. J’y serai attentif.”
Le pronom personnel “je” revient et, sur la vidéo, le regard se fait plus acéré. D’ailleurs, ce discours évoque essentiellement la France et ses acteurs, le rôle de l’Europe se résumant à quelques mots et l’évocation d’une hypothétique coordination internationale totalement absente.
Solennité et référence à l’Histoire
Enfin, la phase conclusive, c’est une habitude chez Emmanuel Macron, a pour rôle d’inspirer et donner du souffle à l’ensemble de la prise de parole. Chose inédite, il choisit d’évoquer la deuxième phrase de l’article 1 de la Déclaration des Droits de l’Homme de 1789 : “Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune” pour souligner sans nul doute une des grandes luttes de la fin de son quinquennat : les inégalités sociales.
Et pour créer une atmosphère plus solennelle, le président de la République ralentit sensiblement son débit de parole tout en abaissant le volume de sa voix. Et, vous vous souvenez du premier mot du discours - le “nous” qui vise à symboliser l’unité de tous les Français - il fait écho à la dernière phrase du texte où le pronom personnel revient : “Alors prenez soin de vous, prenons soin les uns des autres. Nous tiendrons. Vive la République. Vive la France.”